 extrait
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INTRODUCTION
Etiam
perire ruinae...
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A un kilomètre de Sommières à peine, la route départementale
35, conduisant des Cévennes à la mer par Anduze et Quissac, s'étrangle
sur plusieurs centaines de mètres entre Vidourle et le pied d'une colline
couverte de pins magnifiques, de chênes verts, et d'yeuses imposants.
Lorsque l'hiver a dépouillé la végétation de
ses feuillages, un oeil averti peut distinguer au sommet du mamelon, des pans
de murs et quelques habitations en ruines.
L'accès n'est pas facile au milieu des ronces et des clapas ; soudain
voilà devant nous les restes de l'antique baronnie de Montredon (Mons
Rotundus) et de son château féodal.
Un grand mur encore debout, perchoir pour les corneilles, présente
l'amorce d'une voûte et de chapitaux taillés dans la pierre blanche
du pays ; quelques fenêtres béantes baillent au ciel bleu. Une "crotte"
naguère utilisée comme bergerie témoigne de la robustesse
des constructions. Une touffe de figuiers cache un escalier qui s'ouvre sur le
vide.
A quelques dizaines de mètres de là, face à l'ouest,
d'anciennes habitations encore occupées il y a moins d'un siècle
s'effondrent, s'éventrent. De modernes constructeurs récupèrent
les tuiles et les poutres noircies ; les chasseurs "déclapassent"
les lapins de garenne ; la truffe noire murit au milieu des pierres chauffées
par le soleil. Par un curieux anachronisme, une antenne-relais de télévision
se dresse près de là.
Du haut de la colline, le spectacle est admirable, vaste et varié.
Voici au Nord la plaine de Campagne et ses villages bâtis sur la périphérie
Salinelles et son église Romane, Lecques, Aspères dominé
par les vestiges de son abbaye bénédictine, Campagne, Garrigues.
En arrière plan le Bois de Paris (bois des paries fortifications, murailles)
et les premiers contreforts des Cévennes avec, dans le lointain, le Mont
Aigoual encapuchonné de neige, l'hiver. Et puis à gauche la Pène,
le Pic St Loup, en forme de dent, l'Hortus réputé pour son miel.
Au sud, la vue porte jusqu'à St Hilaire de Beauvoir et Beaulieu. Voici
la ligne de platanes bordant la route de crêtes entre Boisseron et Restinclières.
La tour du vieux château féodal de Sommières
veille sur la petite ville pressée à ses pieds et son pont romain,
que surplombe Villevieille, la Villavetus du Moyen Age avec son château
historique où St Louis aurait séjourné en 1270.
Plus à l'est, l'horizon s'élargit vers la Vaunage derrière
les collines de Souvignargues. Dans le creux se développe la noble façade
du château de Pondres.
Enfin à nos pieds, le lit du terrible Vidourle. Partout la garrigue
se partage le territoire avec la vigne et les oliviers. Partout les plantes à
essences sentent bon notre midi.
J'ai souvent dans mon enfance entendu raconter l'histoire du château
détruit par St Louis, après un siège terrible, et celle
de Blanche de Castille accrochant son écharpe aux ronces du chemin.
Mon grand-père m'a souvent parlé du petit village où
vivaient encore 70 habitants à l'époque où il était
élève au Collège de Sommières (1893). Et comme bien
des gens du pays, j'ai accepté ce que la tradition nous enseignait oralement.
Les hasards de ma profession m'ont fait nommer à Aspères,
et depuis onze ans, j'ai comme ligne de fond à ma vie quotidienne, la
plaine dominée par le Mont Rond et ses ruines.
J'ai cherché à savoir, mais les bibliothèques sont
muettes. J'ai donc entrepris de fouiller dans la poussière des archives.
J'ai amassé des quantités de notes, et c'est à la demande
d'amis que j'ose en extraire quelques pages, travail d'amateur (au sens éthymologique)
et sans prétention.
Je dois remercier ici le Dr Lavie qui au départ m'a confié
le résultat des recherches effectuées par son frère sur
Aspères et sa région, et qui m'a ouvert sa bibliothèque
ainsi que tous ceux qui m'ont aidé et m'aident encore dans ce passionnant
passe-temps.
A une époque où la langue et la culture occitane renaissent,
où historiens, anthropologues, linguistes se penchent sur notre civilisation,
j'essaye de lever un coin de voile qui cache une partie de notre histoire locale.
Mais nombreuses sont les lacunes et j'espère qu'un jour quelqu'un fera
toute la lumière avant que les ruines elles-mêmes ne disparaissent.
Aimé JEANJEAN (Aspères Pâques
1975 - Juin 1978)
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